Alors que syndicats et patronat viennent de trouver un accord sur la gestion des retraites complémentaires privées Agirc-Arrco, le gouvernement le dénonce tant il ne va pas dans son sens. Récit d’une semaine agitée.

Une nouvelle bataille s’ouvre entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Après cinq semaines de négociations intenses, les syndicats et les organisations patronales gérant le régime de retraite complémentaire des salariés du privé Agirc-Arrco ont trouvé un accord dans la nuit de mercredi 4 à jeudi 5 octobre.
A peine rendu public, l’accord a provoqué l’ire du ministre du Travail, Olivier Dussopt, reprochant aux partenaires sociaux d’avoir acté des “dépenses nouvelles [qui mettent] en péril l’équilibre de la réforme des retraites et la crédibilité des finances publiques”. Récit d’une semaine de tensions.
Les caisses extra-pleines de l’Agirc-Arrco
C’est un fait, contrairement à celles de l’Etat, les caisses de la complémentaire des employés du privé sont pleines. Cette année, les excédents de l’Agirc-Arrco s’élèvent à 4 milliards d’euros et les réserves, à plus de 68 milliards d’euros. Des réserves que le gouvernement convoite, et ce de longue date. Déjà fin 2022, lors de la concertation avec les syndicats et le patronat sur la réforme des retraites, l’exécutif avait prévenu qu’il comptait solliciter le régime paritaire pour le financement de la revalorisation des petites pensions, qui a finalement été mise en œuvre dans la réforme promulguée à la mi-avril.
Mais, depuis, la quête du gouvernement a légèrement, voire grossièrement changé. Il demande désormais un geste pour concourir à l’équilibrage de notre système par répartition. Une contribution oscillant entre 1 et 3 milliards d’euros par an, à terme, selon les premières estimations du ministère du Travail. Invité d’Europe 1, mardi 3 octobre, le ministre du Travail a fait de nouveau pression, assurant que l’Agirc-Arrco serait mise à “contribution [pour participer à] l’équilibre général” de l’ensemble de notre système de retraites.
Pour justifier sa position et maintenir le bras de fer, Olivier Dussopt a fait valoir que l’Agirc-Arrco allait elle aussi bénéficier du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Et que, selon ses calculs, la caisse de retraite complémentaire du privé, déjà excédentaire de 5,1 milliards en 2022, allait voir sa situation s’améliorer de “1 à 1,2 milliard d’euros” en 2026 grâce à cet ajustement paramétrique.
Bras de fer entre Olivier Dussopt et les partenaires sociaux
Mardi 3 octobre, Olivier Dussopt est allé jusqu’aux menaces : “[Si les partenaires sociaux ne vont pas dans le sens du gouvernement], il y a un projet de loi de finances de la Sécurité sociale qui peut permettre d’avancer sur le sujet…” Autrement dit, le ministre pourrait demander de ponctionner l’Agirc-Arrco pour payer, par exemple, les 14 milliards d’euros que coûtent les 5,2 % de revalorisation des pensions annoncée mercredi 4 octobre par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire.
Des revalorisations pour le privé, mais pas de solidarité avec le public
L’ultime round des négociations entre le patronat et les syndicats de l’Agirc-Arrco s’est donc déroulé mercredi 4 octobre à partir de 15 heures et jusque tard dans la nuit, sous la pression du gouvernement. Gérée par les partenaires sociaux, la complémentaire verse chaque année plus de 87 milliards d’euros à 13 millions de retraités. Cette part complémentaire représente entre 20 % de la pension totale pour les salariés précaires et 60 % pour certains cadres.
Profitant des excédents du régime, ils ont notamment décidé de revaloriser les pensions complémentaires de 4,9 % au 1ᵉʳ novembre – à hauteur de l’inflation – et de supprimer le “malus” de 10 % qui incitait les salariés à décaler leur départ à la retraite d’un an. Ils ont également introduit, sur le modèle du régime général, la possibilité pour les retraités qui cumulent emploi et retraite d’améliorer un peu leurs pensions.
Ils ont aussi fait front sur un point : leur refus total d’organiser un “tuyau financier” vers l’Etat, qui leur réclame entre 1 et 3 milliards d’euros annuels d’ici à 2030 pour participer au financement du relèvement des petites pensions prévu par la réforme des retraites et au “retour à l’équilibre” du système de retraites global. “Dans leur accord, les partenaires sociaux ont décidé de dépenses nouvelles, financées par le rendement de la réforme des retraites et n’ont pas défini de mécanisme de solidarité permettant de sanctuariser ce rendement. Cette décision met en péril l’équilibre de la réforme et la crédibilité de nos finances publiques”, a estimé le ministre du Travail, Olivier Dussopt, après l’annonce de l’accord.